Sing Street ou le triomphe du « gai-triste »
Difficile de faire un choix dans les sorties cinéma de cette semaine, entre le nouveau film de Park Chan-Wook, Mademoiselle, la Palme d’Or de cette année, Moi, Daniel Blake de Ken Loach et le retour de Nicolas Winding Refn (The Neon Demon) avec Bleeder. Donc parlons du film qui vous fera (comme moi) taper du pied et dandiner de joie sur votre siège : Sing Street.
Sing Street qu’est-ce que c’est ? D’abord, c’est l’histoire de ce jeune garçon de 15 ans, Conor, envoyé dans une école publique, Synge Street, par manque de moyens de ses parents. Dans cette Irlande des années 80 en proie à la crise financière, il se retrouve dans cet établissement difficile, dirigé d’une main de fer par des curés. Enchevêtré entre rêve d’enfance, début d’adolescence et difficulté sociale et familiale, Conor ne pense qu’à une chose : monter un groupe pour plaire à la très belle Raphina.
Sing Street c’est le nouveau film de John Carney connu pour Once et New York Melody. Réalisateur spécialiste des films musicaux, il nous présente là son chef-d’œuvre. Entre retour musical des années 80 et évocation des problèmes sociaux irlandais de ces mêmes années, tout y est relaté au travers de la recherche d’identité d’un jeune homme qui se découvre au cœur de la musique. Il s’identifie à tous les styles, invente les siens (d’abord futuriste, puis gai-triste). « Ils changent de style vestimentaire au gré de leur inspiration et c’est un peu l’histoire musicale de toute une période qui se trouve résumée en un seul groupe », explique Lucy Boynton, l’actrice de Raphina. « L’histoire est joyeuse mais elle ne dissimule pas la réalité. John [Carney] tenait à garder une certaine forme de réalisme ». Inspiré par sa propre expérience d’adolescent des années 80, le réalisateur explique : « Je ne voulais pas tourner un film musical sans raison valable », confie-t-il. « Je voulais raconter un épisode de ma vie suffisamment intéressant pour que j’ai envie d’en parler. Et je souhaitais que cette histoire soit sincère et personnelle ». Le film a beaucoup d’aspects dramatiques, à la fois gommés et amplifiés par une musique incroyable, divinement interprétée par ces jeunes acteurs.
Un personnage incarne toutes ces problématiques que John Carney a voulu intégrer dans son film (rêve, désillusion sociale, difficulté familiale et effervescence musicale) : Brendan, grand frère de Conor, joué par Jack Reynor. C’est lui qui se charge de l’éducation musicale de son jeune frère mais c’est lui aussi qui lui permet de continuer à rêver en le protégeant de leur petit enfer familial. Sans rancœur et sans reproche, il n’avance plus pour lui-même, mais pour Conor dans lequel il met tous ses espoirs de rêves perdus. Ce film fait l’apologie du dépassement de soi mais plus encore, il illustre une revanche sociale, familiale, et de façon plus terre à terre, une vengeance contre toutes les brutes de toutes les écoles. C’est le triomphe de Brendan, Raphina, Conor, du réalisateur et du spectateur. À la place de ces jeunes, on se retrouve nous-mêmes qu’on ait connu cette période ou non. Et avec eux, on rêve, on suit leurs espoirs, on oublie la peur de l’avenir en tapant du pied au rythme de la musique, et ça fait du bien !
Clic pour écouter la BO de Sing Street
© Maëlle Colleu-Hepke
© photos : allocine
.