
Natalie Portman et Lily-Rose Depp dans Planétarium
Planétarium : un observatoire de l’histoire du cinéma
Entre film d’époque, historique, politique, esthétique et ode au cinéma, Planétarium s’essaye à l’assemblage des genres avec succès. La réalisatrice Rebecca Zlotowski (Grand Central, Belle Épine) raconte, avec son nouveau long-métrage, l’histoire de deux sœurs médiums dans le Paris de la fin des années 30. Laura et Kate Barlow (inspiré des sœurs Fox, pionnière du spiritisme au XIXe siècle) se retrouvent plongées au cœur du cinéma de ces années folles, en pleine effervescence cinématographique et monté de l’antisémitisme.
« J’ai été captivée par le parallèle que Rebecca Zlotowski établit entre le cinéma – cet univers où tout est vrai et faux à la fois – et l’histoire de ces deux sœurs qui communiquent avec l’au-delà. J’ai toujours pensé que de nombreux cinéastes sont portés par le rêve de rendre des êtres immortels avec leur caméra ». Natalie Portman, interprète de Laura, met ici en avant l’une des facettes sous-jacentes de Planétarium : le spiritisme et le cinéma ne sont pas si éloignés et cherchent avant tout à vendre du rêve. La période des années 30 est particulièrement propice pour illustrer ce parallèle, entre exaltation autour du cinéma hollywoodien et intérêt grandissant pour les médiums. Cette effervescence se ressent jusque dans la réalisation de Planétarium, ce que Rebecca Zlotowski ne manque pas de faire remarquer : « Il y avait dans le film, avec l’usage qu’on a fait d’une caméra complètement expérimentale et inédite, la Arri 65, une sorte d’écho avec ce que traverse le personnage principal du producteur, avide de découvrir et d’inventer LA caméra capable de fixer sur pellicule les traces des fantômes. Il y avait très certainement là une volonté de ma part de mettre en parallèle les expérimentations des uns et des autres ». Mais parfois, à force d’appuyer sur l’artistique et les parallèles, le film se perd et se fait prendre au piège par sa propre esthétique.
Ces quelques lourdeurs plastiques sont loin d’être rédhibitoires, aussi bien grâce à la richesse scénaristique qu’à l’interprétation de Natalie Portman (Léon, Jane got a gun, Jackie). Éblouissante, elle met Lily-Rose Depp (La danseuse) dans l’ombre. Cette dernière, convaincante mais sans plus, a du mal à maintenir le niveau de la star hollywoodienne, admirable dans son double jeu (américain/français).
L’autre grand plus de ce film, c’est donc son scénario aux multiples facettes. J’ai déjà parlé des sœurs Fox comme inspiration aux sœurs Barlow. L’autre grande inspiration historique, c’est la figure du producteur Bernard Natan qui inspira le rôle d’André Korben (joué par Emmanuel Salinger). D’origine roumaine et naturalisé français, il avait racheté Pathé Cinéma en 1929. Recréé en Pathé-Natan, sa société s’écroule en 1935. Avec la montée de l’antisémitisme, il est en effet destitué de ses fonctions et de sa nationalité française. Il mourra à Auschwitz en 1943. Rebecca Zlotowski tenait à rendre clairement hommage à cet homme méconnu de l’histoire du cinéma au travers du personnage d’André Korben. C’est l’une des grande force du long-métrage : le récit de fiction est constamment soutenu par des parcelles de réalité.
Planétarium est une fiction enrichie par l’histoire et le présent. Il y a d’ailleurs un écho intéressant (et sinistre) entre les années 30 et aujourd’hui (crise économique, montée du racisme et de l’islamophobie). Rebecca Zlotowski déclare d’ailleurs « Je ressentais la nécessité de commenter le monde glissant, crépusculaire, dans lequel on est entré, avec les outils du romanesque. Je pensais à cette phrase de Duras si inquiétante quand on y pense : « On ne sait jamais ce qui est sur le point de changer » ».
© Maëlle Colleu-Hepke
© photos : film Planétarium – allocine
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