Synopsis (© allocine) : Artiste aussi douée que volontaire, Sabine De Barra conçoit de merveilleux jardins. En 1682, son talent lui vaut d’être invitée à la cour de Louis XIV, où le célèbre paysagiste du roi, André Le Nôtre, fasciné par l’originalité et l’audace de la jeune femme, la choisit pour réaliser le bosquet des Rocailles…
Si le monde était un espace constamment beau, agréable et charmant, Les jardins du roi serait une illustration parfaite de ce lieu utopique. Dix-sept ans après son premier long-métrage, L’invitée de l’hiver, Alan Rickman se lance ici dans le genre des films en costume. Style inhabituel pour le réalisateur, il le confirme en enchainant les fausses notes. Pourtant reconnu comme acteur émérite dans Truly Madly deeply ou Robin des bois : prince des voleurs, sa renommée s’est construite grâce à ses interprétations d’amoureux éperdus (déjà au côté de Kate Winslet) dans Raison et sentiments et de professeur de potions dans les volets d’Harry Potter. Alors réellement propulsé sur les devants de la scène, il enchaîne les rôles et diversifie les genres oscillant entre romance (Love Actually), drame (Le parfum), thriller musical (Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street), biopic (Le Majordome) et même comédie américaine douteuse (Gambit : arnaque à l’anglaise). Dommage que ce sublime acteur se lance dans une réalisation aussi banale et médiocre.
Lors d’un voyage à Glasgow en février dernier, la joie de découvrir Les jardins du roi en avant-première, suivie d’une rencontre avec Alan Rickman était donc indescriptible. Grande admiratrice du travail de l’acteur, j’avais hâte de le redécouvrir en tant que réalisateur. Et autant dire qu’installée dans les fauteuils rouges et moelleux du cinéma, entouré d’écossais à l’accent incompréhensible, je piaffais d’impatience. Les lumières se sont éteintes, le film a commencé et la désillusion avec.
Par où commencer : la romance mielleuse ? Les incohérences historiques avouées ? La bonté maniérée et lourde des protagonistes ? Le scénario trop lisse ? Matthias Schoenaerts ? La liste des défauts étant bien longue, autant se lancer dans les quelques bonnes idées et trouvailles présentes dans les Les jardins du roi. La réalisation, aussi bien le montage que le travail de l’image, est très appréciable. Tournée en pellicule, cette technique donne un aspect de « tableaux vivants » à l’intégralité du long-métrage. De même, malgré un scénario maladroit et prévisible, on assiste avec plaisir à des échanges cocasses et habiles entre les différents personnages, divertissant un temps les spectateurs de la salle. On rejoint ainsi le véritable régal du film : les acteurs. Alan Rickman, excellent en Louis XIV, Standley Tucci risible en Philippe d’Orléans, et Kate Winslet, éblouissante dans son rôle de Sabine de Barra, formant un trio remarquable.
Mais ces bons points ne suffisent pas et Les jardins du roi enchaîne les échecs. Cherchant à se rapprocher d’un univers nuancé entre Shakespeare et le conte intemporel, il n’en ressort qu’une histoire lisse et sans éclat. Le scénario est commun, prévisible, juste trop léger dans son ensemble pour faire vibrer quiconque. Les quelques scènes dramatiques (l’histoire de Sabine par exemple), sont vite passées aux oubliettes, sûrement pour laisser le temps aux personnages de danser allégrement tous ensemble et dans la joie, la vie étant belle et les oiseaux chantant. Non, le véritable fiasco réside dans cette entreprise d’un film en costumes se détachant des aspects historiques qu’il utilise. Le procédé a déjà été employé : Quentin Tarantino en a sublimé l’utilisation avec Inglourious Basterds où le réalisateur a choisi de revoir cet échec des attentats contre Hitler entre 1939 et 1944, et comme un hommage à ces conspirateurs, a décidé de réécrire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale à sa sauce. Là, Alan Rickman est dans l’entre-deux. Sans assumer pleinement le film en costume, il ne se détache pas assez de l’histoire française du XVIIe siècle non plus. Et son indécision dérange. Les costumes sont plus contemporains mais restent des semblants de costumes d’époques, la création complète du rôle de Sabine de Barra se veut plus moderne, tout en la faisant voyager dans des convenances soi-disant typique de ce temps. Et son introduction a plus de valeur romanesque et passionnelle qu’autre chose, ce qui remet en question cette modernité de la place de la femme.
Alors oui, cette femme est censée être ce « little chaos », ce petit chaos aussi bien dans la vie du roi, dans la cour et dans les jardins. Elle se meut dans un univers cadré et structuré et y amène son petit grain de folie. Et pour Alan Rickman, l’ordre et le chaos sont des notions complémentaires.* Rien de plus logique donc, qu’une histoire d’amour entre André le Nôtre, le « jardinier trop coincé » et elle-même « la femme cool et libre ». Elle représente la goutte d’eau qui perturbe un peu et change beaucoup. Et bien, on en sort pas trop remué, tout va bien.
Changer l’histoire de France, attribuer la bonté et la sagesse comme caractéristique du roi Soleil et introduire un personnage fictif comme héros principal, passent encore. Choisir de tourner l’intégralité du film au Royaume-Uni et utiliser des lieux anglais pour représenter Versailles à cause d’un budget serré, on accepte. Mais entendre pendant deux heures Louis XIV parler anglais, c’est la cerise sur le gâteau. On rajoute à ça la présence de Matthias Schoenaerts (De Rouille et d’os) en jardinier strict et amoureux transit (qui a la même expression qu’un caillou), et on a notre pompon.
© Elena Brooks
© photos : Bande annonce ; http://hpautographes.free.fr/r.html