Synopsis (© allocine) : Lorsqu’il fait la connaissance de Maria Altmann, un jeune avocat de Los Angeles est loin de se douter de ce qui l’attend… Cette septuagénaire excentrique lui confie une mission des plus sidérantes : l’aider à récupérer l’un des plus célèbres tableaux de Gustav Klimt, exposé dans le plus grand musée d’Autriche, dont elle assure que celui-ci appartenait à sa famille durant la Seconde Guerre mondiale. D’abord sceptique, le jeune avocat se laisse convaincre par cette attachante vieille dame et face aux réticences de l’Autriche, ils décident finalement d’intenter un procès au gouvernement autrichien pour faire valoir leur droit et prendre une revanche sur l’Histoire.
Fameux tableau du peintre Gustav Klimt, Adèle Bloch-Bauer I s’est longtemps surnommé “Woman in Gold”. Très connu de nom sinon de visu, ce portrait fait partie de ces œuvres volées par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale et non restituées, comme la plupart, à la fin de la guerre. Ce film, La femme au tableau, réalisé par Simon Curtis (réalisateur de My week with Marilyn), retrace l’histoire et le combat de Maria Altmann pour reconquérir ses biens perdus. Née en 1916 en Autriche à Vienne et issue d’une famille juive, Maria Altmann a fuit ce pays pour les États-Unis peu après l’Anchluss de 1938, qui incorporait l’Autriche à l’Allemagne nazie. La totalité des biens familiaux fut accaparée par les nazis durant la guerre, et les tableaux volés sont restés par la suite en possession du gouvernement autrichien. Durant plusieurs décennies, ils ont été exposés au musée du Belvédère à Vienne, et le portrait d’Adèle Bloch-Bauer I, réalisé en 1907, est entretemps devenu un symbole de la culture autrichienne. Ce n’est qu’à partir des années 1990, avec la réouverture du passé nazi de l’Autriche, que la question des biens volés refait également surface. Maria Altmann, devenue américaine depuis 1945, décide alors de se lancer dans un combat pour récupérer les peintures de sa famille.
Simon Curtis s’empare de cette histoire dramatico-historique, justifiant son choix en déclarant que ce sujet « liait la Seconde Guerre mondiale et l’Holocauste à l’histoire américaine contemporaine. » Il ajoute que pour lui : « ce tableau et Maria Altmann sont tout à fait emblématiques du XXe siècle dans son ensemble : tous deux ont vu le jour pendant l’âge d’or de Vienne au début du siècle et tous deux ont disparu aux États-Unis à la fin du siècle américain. » Et lorsque le réalisateur s’attaque à une restitution d’époque sur grand écran, il ne fait pas les choses à moitié. Il choisit tout d’abord un auteur de théâtre, Alexi Kaye Campbell, comme scénariste, et fait ensuite directement appel à Randol Schoenberg, l’avocat de Maria Altmann (cette dernière étant décédée en 2011). Celui-ci est aujourd’hui spécialisé dans la restitution d’œuvres d’art, et son assistance a permis une plus grande précision scénaristique. De même, ce souci historique se retrouve dans sa réalisation, Simon Curtis recréant certains moments historiques dans son film, comme les défilés nazis en pleine rue devant une foule autrichienne qui les acclame. Les comédiens jouent également en allemand, bien que ce soit un film américano-britannique, et le réalisateur utilise le procédé classique mais efficace du flash-back (avec des images désaturées pour accentuer la différence d’époque entre les deux temps) afin de raconter l’histoire autrichienne de sa protagoniste. En comparaison avec The Monuments Men de George Clooney, La femme au tableau a réussi son pari en mélangeant une histoire personnelle à la Grande Histoire. Malheureusement, le long-métrage tombe dans le même travers racoleur et spectaculaire.
On pourrait dire que ce film rentre dans la catégorie du “mélo-violon“. Ce genre non recensé, rassemble pourtant une grande quantité de longs-métrages qui se plient aux mêmes codes. On peut faire un parallèle direct avec Philomena de Stephen Frears, racontant l’histoire d’une vieille dame qui au crépuscule de sa vie, affronte ses vieux démons. Et comme le film de Simon Curtis, chaque scène s’accompagne de dialogues émotifs, d’une musique belle mais larmoyante, et d’une surenchère infinie. À partir des 30 premières minutes de La femme au tableau, les personnages n’ouvrent la bouche que pour vous faire verser une larme. Les flash-back ont la même fonction, ils sont plus présents pour accentuer l’effet pathétique que pour leur valeur historique. Ce docu-drame a tout simplement perdu en route son aspect documentaire au profit du mélodrame. Et on se heurte là au second gros problème du film : la dimension historique. Le producteur de La femme au tableau, Harvey Weinstein, lui-même, le démontre sans le vouloir : « Il s’agit d’une histoire de personnes en quête d’apaisement de leur souffrance suite à une terrible perte. Il s’agit aussi d’une histoire familiale et de l’importance d’objets personnels légués au sein de ces familles ; il s’agit enfin de justice et de la manière dont certains arrivent à renouer avec leurs racines ». Mais l’histoire personnelle prend le dessus sur l’histoire de la guerre, reléguée au second plan par un pathos trop lourd. Pire, le film dénote un certain manichéisme dérangeant, qu’il a pourtant essayé d’éviter en introduisant le personnage d’Hubertus, joué par Daniel Brühl,
sans grand résultat : les Américains sont les gentils (aussi bien l’avocat que les juges) les Autrichiens, les méchants. On donne un peu la parole à l’histoire, un peu moins à l’Autriche, et presque pas à l’art. Ces aspects plus factuels sont occultés pour ne laisser place qu’au drame et à l’émotion.
Le film reste tout de même bien construit, en respectant au maximum les faits historiques qu’il y introduit. La réalisation classique fonctionne et le film repose en grande partie sur ses acteurs convaincants. Helen Mirren est excellente dans son interprétation de Maria Altmann, Daniel Brühl est toujours aussi incroyable malgré son petit rôle, et même Ryan Reynolds arrive, malgré son air niais et discutable dans le rôle de l’avocat Schoenberg, à produire une interprétation correcte. Malgré tout, si ce film repose sur de bons ingrédients, il est bien trop doucereux et sucré pour son propos. Le devoir de mémoire est important, c’est indubitable. Ce long-métrage ne retrace pas juste un combat pour reconquérir une pièce volée, mais aussi l’histoire du vol des mémoires, du vol d’une vie entière. Même si La femme au tableau est symboliquement et émotionnellement puissant, c’est hélas une belle coquille vide dépourvue d’enjeux.
© Elena Brooks
© photos : allocine
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